«Beaucoup ignorent combien le sucre est nocif»

Anne Christin Meyer-Gerspach et Bettina Wölnerhanssen analysent les effets du sucre sur l’organisme. Leur message est clair : la consommation de sucre en Suisse doit être réduite. Les effets nocifs du sucre concernent la population dans son ensemble et pas uniquement les personnes en surpoids. Pour les deux chercheuses, l’information est primordiale : les gens doivent avoir conscience du mal qu’ils se font.

Interview Zucker 0525
Anne Christin Meyer-Gerspach, privat-docente, et la Pr Bettina Wölnerhanssen dirigent ensemble le centre de recherche sur le métabolisme du Claraspital à Bâle.

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Quels sont les bonnes raisons de participer à « MAYbe Less Sugar » ?

En Suisse, nous mangeons trop de sucre : environ 43 kilogrammes par personne et par an. En moyenne, la population suisse consomme plusieurs fois la quantité de sucre recommandée. L’action « MAYbe Less Sugar » permet de questionner sa propre consommation et d’essayer de renoncer à ce produit pendant un certain temps.

Que se passe-t-il dans le corps lorsque l’on mange du sucre ?

De nombreux organes subissent des dommages si l’on consomme régulièrement trop de sucre. La santé bucco-dentaire représente aussi un aspect important : les caries sont principalement causées par le sucre. La population est largement informée à ce sujet. Mais le sucre affecte également d’autres systèmes d’organes, comme les vaisseaux sanguins. L’augmentation de la glycémie accélère le vieillissement des vaisseaux sanguins. Le collagène, protéine de structure responsable de l’élasticité des vaisseaux, de la peau, des articulations et du cristallin, vieillit également plus vite et perd de son élasticité. Lorsque les vaisseaux sanguins sont affectés, cela entraîne des maladies cardio-vasculaires et un renforcement des processus de vieillissement. Le foie produit de la graisse à partir du sucre, ce qui entrave son fonctionnement. La santé mentale s’en trouve également affectée : une glycémie qui varie fortement en permanence suscite des changements d’humeur. Ces effets ne concernent pas que les personnes en surpoids, mais aussi les personnes dont le poids est normal mais qui mangent trop de sucre.

Le sucre peut-il engraisser le foie comme l’alcool ?

Le sucre, en particulier le fructose, est transformé par le tissu hépatique. Il provoque une surcharge des cellules hépatiques, qui deviennent alors grasses et peuvent, dans le pire des cas, être détruites.

Réduire la consommation de sucre présente un grand potentiel pour prévenir les maladies non transmissibles...

La consommation de sucre augmente les taux de glycémie et de lipides sanguins. Elle a aussi des répercussions sur le cœur, les vaisseaux sanguins et le foie. De fortes doses peuvent également endommager les reins en raison de l’augmentation de l’acide urique. Diminuer le sucre permet d’améliorer ces valeurs.

Le sucre rend-il dépendant ?

Oui. Le sucre active le système de récompense dopaminergique du cerveau, de manière similaire à la nicotine ou à la cocaïne. Les aliments riches en sucre peuvent entraîner une dépendance et un effet d’accoutumance. Se priver de sucre cause des symptômes typiques de sevrage, très clairement observables chez les enfants. Lorsqu’on les prive de sucreries, ils ont très envie d’en manger. On peut toutefois y remédier en les privant assez longtemps. Les récepteurs du goût s’habituent à manger moins de sucre.

Si l’on ne souhaite pas renoncer au sucre, quel est le meilleur moment pour en manger ?

Tout de suite après le repas, en dessert. Tout le sucre n’est alors pas absorbé. En consommer entre les repas, par exemple aux goûters, génère des pics de glycémie beaucoup plus élevés. En manger après le repas permet de réduire ces pics.

C’est pour ça que je devrais manger un fruit sous sa forme naturelle plutôt que de boire un verre de jus d’orange ?

L’effet est le même. Avec le jus d’orange, les cellules sont détruites et les fibres sont réduites, ce qui permet d’assimiler beaucoup plus de sucre. Mais évidemment, la quantité a aussi une influence : un verre de jus d’orange contient quatre à cinq oranges, alors que je mange uniquement une orange à la fois.

Quels aliments contiennent particulièrement beaucoup de « sucres cachés » ?

On trouve désormais des sucres cachés dans de très nombreux produits qu’on ne soupçonnerait pas : les sauces toutes prêtes, les préparations à base d’herbes et les snacks, qui ont un goût salé mais qui contiennent aussi du sucre. Les yogourts, les mueslis, les fruits secs ou les compotes, qui semblent sains, peuvent aussi contenir beaucoup de sucre. Tous ces éléments s’additionnent durant la journée.

Les sucres naturels et ajoutés ont-ils des effets différents sur la santé ?

Non, les répercussions sur le corps sont les mêmes.

Manger est souvent une affaire d’habitudes. Chacun a des préférences spécifiques en matière de goût. Comment modifier durablement une alimentation riche en sucre ?

Il est vraisemblablement plus simple de réduire progressivement le goût pour le sucre que d’y renoncer de façon radicale. Avec le temps, le goût s’habitue à la nouvelle norme et les papilles gustatives de la langue reviennent à la normale.

Les édulcorants constituent-ils une alternative ?

Les édulcorants peuvent aider à remplacer en partie le sucre, mais pas complètement. Le problème réside dans le goût pour le sucre. Nous en consommons tellement qu’il faut commencer par le réduire. C’est seulement dans un deuxième temps que les édulcorants peuvent être envisagés comme alternative. Ils agissent également sur l’organisme et ne devraient pas faire l’objet d’une consommation excessive. Il est nécessaire d’intensifier les recherches sur ces produits. Les succédanés du sucre comme le xylitol, l’érythritol ou le sorbitol constitueraient d’autres alternatives.

En 2023, vous avez participé à la rédaction de l’appel à agir contre le sucre. Quelle a été votre principale motivation ?

En discutant avec de nombreuses personnes, on s’aperçoit que le manque d’informations perdure. Beaucoup ignorent combien le sucre est nocif. Cette situation est frustrante et il est urgent de la faire évoluer.

À partir de quand la consommation de sucre ne relève plus d’une décision individuelle et devient un problème de société ?

La société dans son ensemble en assume les coûts. Dès lors, il est dans notre intérêt à tous de maintenir la consommation aussi basse que possible. L’offre devrait notamment être limitée dans les établissements publics comme les écoles. Les distributeurs de snacks ou de boissons sucrées, par exemple, sont omniprésents. Quelques mesures suffiraient pour obtenir de bons résultats.

Quelles seraient les mesures les plus efficaces pour réduire la consommation de sucre ?

L’information est primordiale : les gens doivent avoir conscience du mal qu’ils se font. Mais elle ne suffit pas. Il est important que la mention du sucre soit explicite : les aliments doivent être étiquetés de manière claire et compréhensible. Le sucre est désigné par tellement de noms différents qu’il est impossible pour les consommateurs d’avoir une vue d’ensemble.

Quelle responsabilité porte l’industrie alimentaire ?

Une grande responsabilité : par la publicité qui cible les enfants, par son manque de transparence, et enfin par les dosages utilisés, qui pourraient être moins élevés. Les fabricants proposent souvent une variante avec moins de sucre, sans toutefois modifier leur ligne de produits sucrés. Il serait plus durable de proposer uniquement la ligne de produits à teneur en sucre réduite.

L’appel à agir contre le sucre demande que les enfants soient particulièrement protégés. Pourquoi est-il essentiel de réduire la consommation de sucre dans ce groupe cible ?

Nous développons nos habitudes alimentaires durant l’enfance. Cette classe d’âge est donc très importante. En outre, le métabolisme des enfants est plus vulnérable au sucre, car le corps se trouve encore en phase de croissance. De plus, la quantité de sucre a un impact plus grand sur le corps des enfants : un même aliment avec la même teneur en sucre agit différemment chez les adultes que chez les enfants.

Les enfants aiment et demandent des sucreries. Comment procéder ?

En limitant la quantité et la dose et en gardant les sucreries pour des occasions spéciales et uniques. C’était comme ça dans le passé : un luxe que l’on s’offrait rarement.

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